Entraîneuse d’ours et de phoques
Lorsqu’il est question des phoques communs et des ours blancs de l’Aquarium du Québec, Kléo Carrier est la référence : l’entraîneuse aux mammifères marins veille sur eux depuis neuf ans. Son plaisir, c’est de leur apprendre de nouveaux comportements. La relation de confiance qu’elle a bâtie avec ses protégés est belle à voir. Discussion avec une femme qui se passionne pour les animaux depuis sa tendre enfance.
Du haut de ses sept ans, la jeune Kléo adore montrer toutes sortes de tours à son chien grâce à divers entraînements. On peut dire que ce sont les prémices de sa future profession. Enfant, elle développe aussi une passion pour les chevaux qui la suivra tout au long de sa vie. Elle fait de l’équitation dès l’âge de neuf ans, ce qui la mènera à pratiquer son sport favori, la course de barils.
Coup de foudre pour les phoques communs
Son amour pour les animaux ne s’est jamais tari, au contraire. Une visite à l’Aquarium du Québec sera même déterminante dans son choix de carrière. Alors qu’elle assiste à une présentation animée avec les phoques communs, c’est le coup de foudre pour cette espèce.
Une conversation avec le guide animalier qui les entraîne l’incite à suivre sa voie et à entreprendre un baccalauréat, puis une maîtrise en biologie à l’Université Laval. Ce seront les premières étapes vers son rêve de devenir entraîneuse de mammifères marins.
En cours de route, elle passe deux étés à parfaire ses connaissances comme gardienne d’animaux avec les chameaux et les dromadaires au Zoo de Granby. Pendant cette période riche en apprentissages en tous genres, l’étudiante en biologie est même appelée à travailler avec les grands félins et les animaux du secteur de l’Afrique.
C’est d’ailleurs à cette époque qu’elle trouve l’inspiration pour son sujet de mémoire sur l’endocrinologie comportementale : les effets de l’enrichissement sur le bien-être et le comportement d’un groupe de mandrills, de grands singes . Elle passe aussi ses temps libres à écrire des articles pour un magazine animalier et touche à l’enseignement ainsi qu’à la recherche en sciences animales à l’Université Laval.
Un rêve qui devient réalité
C’est en 2014, alors que Kléo a 26 ans, que sa carrière prend véritablement son envol. Elle décroche un poste d’entraîneuse aux mammifères marins à l’Aquarium du Québec : c’est le début d’une grande aventure.
Son travail l’amène à interagir avec différentes espèces chaque jour. Phoques communs, phoques du Groenland, morses, ours blancs, renards arctiques, oiseaux de proie… chaque animal a ses particularités. Elle l’admet tout de même sans gêne, les phoques communs et les ours blancs demeurent ses préférés.
Ce qu’elle aime le plus dans son métier, ce sont les entraînements biomédicaux, où l’on crée de nouveaux comportements chez l’animal grâce au renforcement positif. « C’est fascinant de développer un mode de communication entre deux espèces qui n’ont pas le même langage, s’enthousiasme Kléo. Quand je vois le déclic, que l’animal comprend ce que je veux lui dire, ça, c’est la paye! »
Une patience d’ange
Au fil des ans, elle devient une véritable référence en matière d’entraînement avec les phoques communs. Ce qu’elle parvient à faire avec eux est impressionnant.
« Ce que j’aime le plus pour parfaire leurs soins, c’est pousser les entraînements biomédicaux pour arriver à leur faire adopter de nouveaux comportements. Par exemple, avec Daila et Daphnée, nous avons réussi à leur faire des prises de sang volontaires sans devoir les anesthésier. J’en suis très fière! » raconte-t-elle.
Conditionner un phoque commun à supporter une prise de sang avec une longue aiguille, et qui dure un certain laps de temps, demande un entraînement considérable. Il faut savoir que dans la nature, ces animaux sont des proies : ils ont donc un tempérament très nerveux.
Kléo a bon espoir d’y arriver avec l’autre Cléo, le phoque commun de 32 ans qui porte le même nom qu’elle. « Cet été, nous avons réussi à lui faire une échographie et une radiographie de façon volontaire, ce qui n’avait jamais été fait avec elle auparavant », se réjouit-elle.
Miser sur les forces de chacune
Lorsqu’elle parle des phoques communs qu’elle entraîne, ses yeux s’illuminent comme si elle parlait de ses enfants. C’est que chacune des quatre femelles a un petit quelque chose de spécial.
« Daila a 24 ans et c’est la plus jeune du groupe. C’est une élève modèle lors des entraînements », relate-t-elle fièrement. Récemment, Kléo et son équipe ont même réussi à réaliser une échographie sous-marine de l’œil de Daila de façon volontaire. Aux dires de la spécialiste, Daphnée est elle aussi une élève disciplinée, quoique plus lunatique.
Comme Cléo est la doyenne, elle requiert davantage d’attention, notamment avec ses suivis médicaux réguliers. « C’est un beau défi d’entraînement, puisqu’elle a un tempérament plus nerveux », explique Kléo. Et Nicky? C’est la chouchou. « Nicky, c’est mon bébé! Je ne sais pas pourquoi, mais on connecte, on a une belle relation de confiance. Pourtant, c’est la moins bonne en entraînement, elle est un peu gâtée », avoue l’entraîneuse.
Une autre passion : les ours blancs
Depuis quelques années, un autre animal a conquis le cœur de Kléo : l’ours blanc. Cette nouvelle passion s’est développée après sa participation au transfert d’Eddy et de Taïga au Cochrane Polar Bear Habitat, le temps que l’agrandissement de l’enclos des ours se concrétise à l’Aquarium. Situé en Ontario, ce centre est le seul établissement au monde qui se consacre exclusivement aux ours polaires.
« Je suis allée à Cochrane pendant trois mois pour aider l’équipe à se familiariser avec les deux ours de l’Aquarium. C’est à ce moment que j’ai senti un déclic, je voulais poursuivre ma carrière dans cette voie, sans délaisser les phoques communs, bien sûr », précise-t-elle.
À l’Aquarium, chaque guide animalier est responsable de quelques animaux. En plus de veiller sur les phoques, Kléo s’est vu confier les soins de Kinuk à son arrivée en 2020. Comme son demi-frère, Shouka, l’ourson était né au Zoo sauvage de Saint-Félicien.
Les entraînements de Kinuk
« Je travaille avec Kinuk depuis ses débuts à l’Aquarium, alors qu’il n’avait que deux ans. Nous avons bâti une belle relation de confiance. Il est très performant en entraînement biomédical, on travaille bien ensemble, on fait une belle équipe! Je ne me tanne jamais de travailler avec lui et il occupe une place spéciale pour moi », constate Kléo.
Au cours de la dernière année, elle a réussi plusieurs exploits avec son protégé. Grâce aux entraînements répétés, l’ours se laisse maintenant mettre des gouttes oculaires dans les yeux. Il est aussi devenu un champion des vaccins. Kléo le guide afin qu’il colle son épaule sur le grillage : le vétérinaire et son équipe peuvent ainsi lui administrer ses injections.
Même si un comportement est acquis, les entraînements ne font pas relâche pour autant. « Je travaille constamment à le toucher partout pour qu’il soit habitué au contact humain. Mon objectif principal, c’est d’éviter les anesthésies, qui peuvent être stressantes et risquées pour l’animal. On doit donc penser aux soins dont il pourrait avoir besoin dans le futur et l’entraîner en amont. Quand la blessure est là, c’est plus facile si l’animal est déjà prêt pour les tests et les soins nécessaires », affirme Kléo.
Rêver des ours
Dans ses rêves les plus fous, elle aimerait aller observer les ours blancs dans le Grand Nord, leur habitat naturel. Ce serait une occasion en or pour elle de s’adonner à une autre de ses passions, la photographie animalière. Il faut dire qu’à l’Aquarium, elle a un terrain de jeu extraordinaire pour prendre des clichés.
Et en ce qui concerne sa carrière, Kléo compte bien continuer à pousser toujours plus loin les entraînements avec ses élèves, Kinuk, Nicky, Cléo et compagnie.