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La plus importante campagne de télémétrie du caribou de la Gaspésie est lancée

9 April 2013


Du 5 au 15 février dernier, une équipe de spécialistes du MDDEFP et de l’UQAR a procédé à la capture et au marquage de 22 caribous dans le parc national de la Gaspésie. Dix mâles et douze femelles équipés de colliers utilisant la technologie GPS/Argos fourniront une quantité impressionnante de données sur l’utilisation de l’espace par le caribou de la Gaspésie.

Pour une image claire et précise

Afin d’obtenir une image la plus réelle et précise possible de l’écologie spatiale du caribou de la Gaspésie, 22 individus supplémentaires seront capturés et équipés de colliers GPS l’hiver prochain. Le marquage sera distribué équitablement entre mâle et femelle ainsi que dans les 3 principaux secteurs de fréquentation du parc national de la Gaspésie soit le mont Logan, le mont Albert et les McGerrigle dont le mont Jacques-Cartier. Le but visé est de suivre plus d’une quarantaine de caribous dans l’ensemble de leur aire de fréquentation pendant près de trois ans.



Durant cette période, chaque collier enregistrera une position aux 2 heures. À terme, chaque individu marqué fournira environs 10 500 localisations. Pour réduire au minimum le stress chez les animaux, les colliers se détacheront automatiquement à la fin de la vie de la pile et seront récupérés au sol par l’équipe de chercheurs. Ainsi, il ne sera pas nécessaire de capturer et manipuler les caribous une seconde fois.

En comparaison, toutes les observations faites à ce jour incluant les 3 campagnes de télémétrie VHF réalisées antérieurement sur le caribou de la Gaspésie ont fourni au total 3252 points, soit moins de 60 localisations par animal. De plus, les localisations télémétriques étaient espacées, dans le meilleur des cas, de 2 semaines compte tenu des contraintes liées aux survols en avion nécessaires aux repérages VHF. Les chercheurs seront donc en mesure de produire une image de très haute résolution de l’utilisation de l’espace par les caribous de la Gaspésie.

De nombreux objectifs à atteindre

En plus des coordonnées géographiques obtenues à l’aide des colliers GPS/Argos et des autres données recueillies par les chercheurs lors de la manipulation des animaux, des inventaires d’habitat seront notamment réalisés aux endroits fréquentés par les caribous, puis comparés aux sites disponibles. Toutes ces informations permettront d’optimiser et d’orienter les efforts de conservation actuels et futurs de ce troupeau isolé. Plus précisément, cet important travail de recherche poursuit les objectifs suivants :

1) Caractériser la sélection d’habitat et l’utilisation de l’espace du caribou en considérant les différentes pratiques sylvicoles appliquées hors parc dans l’aire de fréquentation du caribou;
2) Caractériser la réponse du caribou à la présence d’infrastructures permanentes présentes à l’intérieur et à l’extérieur du parc;
3) Décrire les effets des coupes forestières alternatives et autres travaux sylvicoles sur la structure et la composition de l’habitat du caribou;

4) Évaluer la condition physique, la diversité et les échanges génétique des caribous des trois secteurs (McGerrigles, Logan, Albert) actuellement fréquentés;
5) Caractériser le régime alimentaire du caribou et en estimer la qualité;
6) Comparer la qualité d’habitat du caribou de la Gaspésie à l’échelle de la péninsule au cours des derniers siècles, à l’aide de cartes et d’archives;
7) Réaliser une analyse de viabilité de population suivant divers scénarios d’aménagement forestier.

Des réponses à nos questions

Les résultats obtenus permettront de mieux documenter l’état de cette population précaire, de comprendre les effets des stratégies d’aménagement forestier écosystémique actuellement préconisées sur l’écologie et la conservation du caribou de la Gaspésie. Ils permettront également de bien distinguer les impacts respectifs de l’aménagement forestier et des autres perturbations anthropiques sur cette population. Ainsi, les facteurs limitant cette population en voie de disparition seront davantage ciblés, permettant d’orienter les efforts de rétablissement. Le développement possible de certaines activités dans l’habitat légal du caribou pourra alors se faire de façon plus éclairée et durable.

Une perception appelée à changer

En regardant tout ce qui c’est écrit sur le caribou de la Gaspésie depuis le travail exhaustif réalisé entre juillet 1953 et octobre 1955 par le biologiste Gaston Moisan, nous serions portés à croire que tout a déjà été dit. Par contre, l’avancée marquée des nouveaux outils technologiques en recherche permet d’offrir de nouvelles perspectives et de répondre à d’autres interrogations pertinentes.

Ainsi, il est plausible qu’un nouveau chapitre de nos connaissances relatives à ce troupeau soit sur le point d’être écrit. Allié aux capacités du caribou de la Gaspésie à composer avec les profondes modifications qu’a subit son habitat depuis plusieurs décennies, cette nouvelle perspective rend optimiste quant au succès de son rétablissement, notamment lorsque l’on assiste à un recrutement élevé en jeunes caribous tel qu’observé l’an dernier.

Considérant l’amélioration importante des connaissances que cet important effort de recherche apportera, nous sommes en droit de s’attendre à un raffinement des stratégies de conservation, à l’élaboration de nouvelles actions de rétablissement et à l’application de modalités de gestion plus performantes visant à permettre au caribou de la Gaspésie de vivre en équilibre dans notre environnement.


Claude Isabel est responsable du service de la conservation et de l’éducation au parc national de la Gaspésie.

Martin-Hugues St-Laurent est professeur en écologie animale à l’Université du Québec à Rimouski.

Photos : Philippe Henry; Marc L’Italien; Claude Isabel.


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