Blogue de conservation

Une observation royale dans les Hautes-Gorges

13 August 2013


Nous sommes en 2001: un garde-parc patrouilleur du parc national des Hautes-Gorges-de-la-Rivière-Malbaie rapporte l’observation d’un aiglon au sol lors d’une patrouille. La rencontre d’un aigle royal au détour d’un chemin forestier est plutôt inattendue! Le garde-parc patrouilleur a tout juste eu le temps de prendre une photo de l’aiglon pour immortaliser ce moment.

Un peu d’histoire

En 2004 est créée l’équipe de rétablissement des oiseaux de proie (ÉROP). Celle-ci a pour mission de produire un plan de rétablissement de l’aigle royal et d’envoyer des équipes sillonner le Québec à la recherche de sites de nidification. La situation de l’aigle royal n’est pas reluisante. Espèce désignée vulnérable en 2005 par le gouvernement du Québec, on croit à ce moment qu’il y aurait seulement une soixantaine de couples nicheurs à la grandeur de la province du Québec. 

Quelques années plus tard, en 2007, un membre de l’ÉROP, M. Pierre Fradette, conjointement avec l’équipe du service de la conservation et de l’éducation du parc tente de localiser d’éventuels nids dans les secteurs propices du parc. C’est l’envoi de la fameuse photo de l’aiglon qui est à l’origine de ces travaux. Une belle découverte les attend : la présence d’un couple nicheur et de deux nids sont observés sur une paroi rocheuse. Mais pourquoi donc un couple d’aigle royal s’est établi en ces lieux?

Pays de contrastes

Pour répondre à cette question, il faut d’abord comprendre la configuration des lieux. Le parc national des Hautes-Gorges-de-la-Rivière-Malbaie est un territoire forgé de vallées et de hauts monts. Site exceptionnel sur les plans géomorphologiques et écologiques, c’est la raison pour laquelle ce territoire fut désigné dans le réseau des parcs québécois. Abordant des versants abrupts aux pentes supérieures à 33% et des sommets culminants à 1048 mètres, la vallée de la rivière Malbaie constitue une composante fondamentale du paysage du parc. Trois autres vallées secondaires se joignent à la première afin de former un réseau d’entailles tout aussi particulières que spectaculaires, le long desquelles se forment souvent des courants ascendants. Les sommets, souvent balayés par les vents et offrant des températures souvent inférieures à celles au bas de la vallée, sont plutôt dénudés ou tapissés d’une végétation arctique-alpine, adaptée au climat difficile.

Mais qui peut bien habiter un tel pays?

Cette description du paysage peut sembler inaccessible et inhospitalière, mais pour certaines espèces, tel l’aigle royal, il s’agit d’un habitat de prédilection. Une vue dégagée sur de grandes distances, ainsi que la présence de courants d’air ascendants, sont des facteurs qui favorisent sa chasse. À l’aide de sa vue perçante, il y dénichera lièvres, marmottes, sauvagine, ainsi que d’autres espèces de mammifères et d’oiseaux qui constituent son alimentation. Opportuniste, il peut également repérer des carcasses dont il ne déteste pas se délecter occasionnellement lorsque les proies se font rares.

Qui prends mari, prends pays

Une corniche, située en bordure de vallées donnant sur des rivières ou des lacs, et faisant idéalement face au sud ou au sud-ouest afin de bénéficier du maximum de chaleur générée par le soleil, favorise sa nidification. Il y construira un nid principal, et un ou des nids alternatifs, à l’aide de branches, de racines, de divers matériaux et tapissés de verdure. Un nid a en moyenne une hauteur de 0,75 mètre et un diamètre de 1,25 mètre. Les nids alternatifs seront utilisés si des éléments viennent perturber la tranquillité requise lors de la saison de reproduction. Les couples d’aigles royaux seraient unis pour la vie et fidèles à leur site de nidification année après année.

Observer pour mieux protéger

Afin de garder un œil sur le couple d’aigle royal qui fréquente le parc national des Hautes-Gorges-de-la-Rivière-Malbaie, un suivi de la nidification est réalisé chaque année. Sommairement, il s’agit de se rendre observer le site de nidification à quelques moments clés de la saison. Au début, on valide la présence des aigles et on note quel nid ils occupent. Lors d’une sortie subséquente, on tente de savoir si la nichée a éclos. En écoutant attentivement les sons qui se manifestent du nid, on peut entendre les aiglons et ainsi valider s’il y a eu éclosion. Fiers de contribuer à la protection de ce grand rapace, nous espérons que l’aigle royal fréquente le parc pour encore plusieurs années.


Ève Murray est technicienne du milieu naturel au parc national des Hautes-Gorges-de-la-Rivière-Malbaie

murray.eve@sepaq.com

Photos: Éric Maltais; Pierre Fradette; Adamantios (Wikimedia commons); Steve Deschênes


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