Des ornithologues aux petits oiseaux

Tours, belvédères, passerelles : dans les parcs nationaux du Québec, les ornithologues disposent d’infrastructures qui les placent aux premières loges pour observer la faune ailée.

Parc national de l'Île-Bonaventure-et-du-Rocher-Percé Parc national de l'Île-Bonaventure-et-du-Rocher-Percé
Parc national de l'Île-Bonaventure-et-du-Rocher-Percé Mathieu Dupuis

Perché pour admirer les rapaces

Toutes les fins de semaine du printemps, Louise Tremblay, garde-parc technicienne en milieu naturel au parc national du Bic, se rend au belvédère Raoul-Roy, parfois en raquettes si la neige n’a pas encore fondu. Perchée à près de 150 mètres d’altitude, cette installation donne une vue imprenable sur les rapaces en plein vol.

Parc national du Bic © Mathieu Dupuis

« C’est un bon corridor de migration », explique Louise Tremblay. Au printemps, les oiseaux de proie remontent vers la Gaspésie, puis longent la côte jusqu’à un endroit suffisamment étroit de l’estuaire du Saint-Laurent pour permettre la traversée. Pour dépenser le moins d’énergie possible durant ce voyage, ils se laissent porter par les courants d’air ascendants le long des parois du massif des Murailles.

Dans leur course, le pygargue à tête blanche et l’aigle royal empruntent ainsi, dès avril, la route croisant le belvédère Raoul-Roy. La buse à queue rousse, l’épervier brun, le busard Saint-Martin, la buse à épaulettes et la petite buse prennent le même chemin quelques semaines plus tard. « Certaines journées, on peut observer 300 ou 400 rapaces passer juste au-dessus de notre tête. »

Depuis 2002, le nombre d’oiseaux de proie vus à cet endroit est enregistré. D’abord lancée par le Club des ornithologues du Bas-Saint-Laurent, l’initiative a été reprise par le Regroupement QuébecOiseaux. Désormais, c’est l’Observatoire d’oiseaux de Rimouski qui s’en charge, toujours en collaboration avec le parc national du Bic. Chaque printemps, on dénombre ainsi entre 2500 et 6000 individus de plus d’une quinzaine d’espèces. « On est tellement près que parfois on entend le battement de leurs ailes », souligne Louise Tremblay.

Marcher sur l’eau à la rencontre des oiseaux

Au pied du Bouclier canadien, le parc national de Plaisance offre aussi une halte à plusieurs oiseaux aquatiques durant leur migration printanière. Dans l’attente que les lacs dégèlent au nord, plusieurs espèces de sauvagine, dont la bernache du Canada, y font de longues escales, y trouvant un plan d’eau où elles pourront passer des nuits à l’abri des prédateurs pour faire le plein d’énergie en prévision de leur saison de reproduction.

Parc national de Plaisance © Dominic Bouffard

Pas étonnant que le printemps soit le moment idéal pour les apercevoir. « Les ornithologues chevronnés peuvent voir et entendre une centaine d’espèces par jour durant cette période », souligne Jean-François Houle, responsable du service de la conservation et de l’éducation au parc national de Plaisance. Mais il y a un hic : la crue printanière de la rivière des Outaouais rend plusieurs sentiers inaccessibles. En 2017, l’inondation a carrément détruit le trottoir flottant du sentier la Zizanie-des-Marais!

Qu’à cela ne tienne, le parc a mis les bouchées doubles pour présenter aux visiteurs toute la diversité de ses habitats, parmi ceux-ci des forêts marécageuses, et par la même occasion celle des oiseaux qui les fréquentent. Il a inauguré en 2019 un nouveau trottoir flottant à l’endroit de l’ancien et érigé une passerelle sur de hauts pilotis dans le marais aux Rubaniers. Le tout a été conçu pour s’étendre au-dessus de l’eau lors d’une crue. Ces deux installations s’intègrent à un parcours de 6,5 kilomètres baptisé le circuit de la Migration. Il n’y a pas que les oiseaux de passage qui méritent le détour. D’autres nichent dans le parc, comme la grue du Canada, la guifette noire ou le petit blongios. La tour d’observation du marais Perras ne manque pas de leur faire un clin d’œil avec son architecture évoquant un nid d’oiseau. « Tous les marais du parc sont une boîte à surprises », assure Jean-François Houle.

Marais en milieu urbain

Parc national des Îles-de-Boucherville © Béatrice Trudeau-Duquette

Canard pilet, canard souchet, troglodyte des marais, grande aigrette ou grand héron : il devient possible de contempler aussi ces oiseaux aquatiques… avec la ville de Montréal en arrière-plan! Le parc national des Îles-de-Boucherville vient tout juste de dresser une nouvelle tour d’observation sur l’île de la Commune, face au marais du Chenal du Courant. Sa forme en spirale évoque le mouvement d’une envolée d’oiseaux ou d’un vol plané. De son sommet, il arrive que l’on aperçoive le bihoreau gris, un échassier répandu dans le monde, mais plutôt rare au Québec.

« La tour a été construite exactement sur le site de l’ancienne, mais elle a été bonifiée d’une expérience sensorielle pour découvrir les habitants du marais », explique Nathalie Rivard, responsable du service de la conservation et de l’éducation au parc national des Îles-de-Boucherville. Des enregistrements permettent d’identifier leur chant, tout comme des dessins aident à distinguer la silhouette de différents volatiles. Si certains oiseaux ne font que passer en période de migration, le balbuzard pêcheur survole le chenal à longueur d’année. « C’est vraiment un privilège de pouvoir le voir de près. »

Voir des espèces du nord dans le sud

Parc national de Frontenac © Mathieu Dupuis

Le sentier sur trottoirs en bois et les deux tours d’observation du parc national de Frontenac permettent d’explorer la tourbière du secteur Saint-Daniel. Mais ils offrent aussi des occasions de tomber nez à nez avec des oiseaux qu’on croise rarement sur son chemin dans le sud du Québec. Stéphane Poulin, responsable du service de la conservation et de l’éducation au parc national de Frontenac, raconte avoir pris son temps pour photographier, sous tous les angles possibles et imaginables, un tétras du Canada. Celui-ci restait immobile… à un bras de distance de son objectif! « Quand on a la chance d’en voir un, on peut s’en approcher doucement, signale-t-il. Même avec ses petits, c’est un oiseau peu farouche. »

Cette espèce fréquente surtout les forêts de conifères matures plus au nord; mais comme elle niche souvent dans une tourbière, elle trouve ses aises dans celle du secteur Saint-Daniel. C’est le cas aussi d’autres habitués des écosystèmes nordiques, dont la paruline à couronne rousse, le pic à dos noir et le moucherolle à ventre jaune. « Comme c’est un îlot de forêt boréale qui entoure la tourbière, on a de bonnes chances de les rencontrer à cet endroit. »

À moins d’un mètre des fous de Bassan

Sur le plateau de l’île Bonaventure, l’aménagement permet aux ornithologues de se retrouver à seulement un mètre de l’une des plus importantes colonies de fous de Bassan au monde, forte de près de 110 000 individus. « L’effet est sidérant, résume Rémi Plourde, directeur du parc national de l’île-Bonaventure-et-du-Rocher-Percé. Cette proximité nous permet d’observer les mouvements de tête effectués par ces oiseaux pour se courtiser, se faire la bise ou renforcer leurs liens. Les hautes falaises, la niche écologique, le milieu isolé des prédateurs, ainsi que le garde-manger que constitue pour eux le golfe du Saint-Laurent, expliquent pourquoi les fous de Bassan élisent massivement domicile sur cette île.

Sa tour d’observation donne une vue en plongée sur l’ensemble de la colonie, dont les individus se tiennent en rangées, chacun à moins d’un mètre de distance. En juillet, il est possible d’y observer d’autres oiseaux marins, comme le petit pingouin, le guillemot marmette ou la mouette tridactyle. Toutefois, le fou de Bassan demeure présent pendant toute l’ouverture du parc, de juin à octobre. Devant ce spectacle, « je ne connais personne qui reste insensible », assure Rémi Plourde.

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Cet article fait partie de l'édition 2022 du bulletin « Dans notre nature ».

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