Une transition de nature personnelle

Qu’est-ce que tu ressens lorsque tu te trouves en nature?

Ça ne se dit pas vraiment, ça se vit. Le feeling après avoir passé un moment dehors est indescriptible, tu te sens bien. Et pas besoin de faire une grosse affaire! J’aime simplement le fait de ne pas avoir de son autour de moi, d’écouter les bruits de la nature… c’est une façon pour moi de m’évader.

J’ai toujours dit que le sport était la seule manière de complètement déconnecter mes fils. Si j’ai des soucis, que j’ai une grosse semaine, je vais aller sur mon vélo, et sur mon vélo, je ne pense à rien. La nature me fait la même chose. La nature, c’est la déconnexion, là où je décroche. Ça fait partie de moi depuis que je suis toute petite. Je suis vraiment bien quand je suis dans le bois. Pour mes parents, ça a toujours été hyper important de nous amener à aimer la nature, à la respecter et à vivre avec elle. Ça fait vraiment partie de moi.

À Montréal, j’ai perdu, malgré moi, la proximité à la nature. Je le ressentais. Quand j’avais besoin de sortir du monde de la performance, je venais passer un moment à la maison, en région. Mes entraîneurs le savaient. Parfois, ils voyaient dans mon attitude, dans ma gestuelle, que j’étais plus absente sur la glace. Dans ces moments-là, ils me disaient : « En fin de semaine, Marianne, tu vas retourner au Saguenay et tu vas aller voir ta gang. » Ils savaient que c’était ce qui me faisait le plus de bien.

Je retournais à la maison et je retrouvais mon rang de deuxième. On est quatre enfants, je suis la deuxième et j’aimais revenir à ça, tout simplement. Retrouver ma famille et mes racines, ça a été ma thérapie pendant longtemps. Le retour aux sources était un besoin criant, je le voulais vraiment.

Tu es passée d’athlète professionnelle à temps plein à une vie plus standard. Les transitions ébranlent. Comment as‑tu vécu la tienne? Qu’est‑ce qui t’a aidée et qui pourrait aider d’autres gens en transition?

C’était un passage obligé. Ça a été difficile, mais je pense que j’ai vraiment bien rebondi. Des moments de transition, tout le monde peut en vivre, à différentes intensités. Je l’avoue, j’étais perdue. Le fait d’avoir fait quelque chose pendant tellement longtemps, je m’identifiais juste à ça. Je me demandais qui j’étais, moi, à part une athlète.

C’est dur, tu perds tous tes repères parce que tu ne sais plus à quoi t’accrocher. Je suis vraiment allée loin dans mon questionnement et ce qui m’a fait du bien, c’est de me l’adresser, de me regarder dans le miroir et de me confronter. C’est douloureux, c’est difficile, mais c’est important.

Maintenant, je suis une meilleure personne au quotidien parce que je sais qui je suis. Le sport a été au cœur de mon parcours, mais si je n’avais jamais été une sportive, je serais quand même la personne que je suis aujourd’hui. Les traits de personnalité que j’ai, ce sont les miens. Je suis allée à ma rencontre. Je me suis donné la chance de me connaître.

Ce qui m’a également beaucoup aidée, c’est de joindre un groupe d’anciens athlètes qui vivaient la même chose que moi, qui avaient envie de se définir par autre chose que le sport. On a passé un an ensemble, on s’appelait les AA, les Athlètes anonymes. Par la suite, des militaires et des entrepreneurs se sont joints au groupe. On s’est rendu compte que ce n’était pas juste une histoire de sportifs, c’était une histoire vécue par plein de monde. Avec les ateliers et les rencontres, tu réalises que tu es exactement la personne que tu dois être.

Pendant des années, on m’a définie par mon parcours, et encore maintenant, on me présente comme « Marianne la médaillée olympique ». Au début, ça me faisait tellement mal, ça me faisait mal parce que je me disais : « Je suis tellement plus que ça! »

Aujourd’hui, je le vis différemment. Au fond, c’est vrai que je suis médaillée olympique, personne ne va m’enlever ça, mais je sais aussi qui je suis dans mon entièreté. Je n’ai plus besoin de personne pour m’en convaincre.