Les bienfaits de la forêt sur le cœur humain

5 questions au docteur François Reeves

Par Karina Durand

Le docteur François Reeves est cardiologue, chercheur, auteur et professeur de médecine à l’Université de Montréal. Depuis une quinzaine d’années, il s’intéresse à la cardiologie environnementale, soit à l’influence des facteurs environnementaux sur la santé cardiovasculaire. Ses ouvrages Planète cœur et Arbres en lumière ont été acclamés par la communauté scientifique et couronnés de prix prestigieux. De plus, le Dr Reeves est membre de plusieurs comités-conseils gouvernementaux sur la santé et l’environnement. Il a eu la gentillesse de nous parler des bienfaits de la nature sur la santé des êtres humains.

Parc national de la Jacques-Cartier Parc national de la Jacques-Cartier
Parc national de la Jacques-Cartier Mikaël Rondeau | © Sépaq

Docteur Reeves, selon vos recherches, l’environnement dans lequel on vit a un effet important sur la santé de notre cœur. Quels sont les principaux facteurs à considérer?

Les facteurs de risque associés à une crise cardiaque sont nombreux. L’hérédité, l’obésité, la sédentarité, le tabagisme, l’hypertension et le diabète en sont quelques-uns. Mais l’environnement dans lequel on vit est un autre élément à prendre en considération et c’est quelque chose que l’on sait depuis très longtemps. Hippocrate, le grand philosophe que l’on connaît aussi comme le père de la médecine, le disait même il y a quatre mille ans : il y a un lien entre notre santé et l’air que l’on respire.

De nos jours, on identifie quatre grands facteurs environnementaux qui ont un impact sur notre santé cardiaque : la pollution atmosphérique, l’alimentation industrielle, l’arborisation et l’aménagement de l’environnement. Utilisons un exemple concret. Dans certains cas, la fumée secondaire des villes, ce qu’on appelle le smog, est aussi toxique pour l’être humain que la fumée secondaire de cigarette. Par conséquent, les effets sur la santé sont similaires. Chaque année, on estime que la pollution est à l’origine d’environ sept millions de décès à travers le monde.


Vidéo réalisée par Tom Patry et Charles Boutin

Pourquoi le contact avec la nature a-t-il des effets sur la santé des êtres humains?

D’abord, il faut se rappeler une chose très importante : les végétaux sont présents sur la terre depuis un milliard d’années, et l’homme, qui appartient au règne animal, est une créature issue de la nature. L'organisation millénaire des cités a entrainé d'immenses bénéfices à la race humaine. Les villes bétonnées et asphaltées sont apparues il y a environ un siècle et demi. Les milieux de vie urbains sont ainsi très récents dans l’histoire et ils ne sont pas naturels pour les êtres humains.

Le problème actuel, c’est que l’on a migré massivement vers les villes et que l’on est de moins en moins entourés d’arbres, de forêt et de nature. Au Québec, 85 % de la population vit en ville, et sur le reste du globe, c’est environ 50 % des gens qui sont en milieu urbain. Or, cela va en augmentant. D’ici 2050, on estime que 75 % de la population mondiale vivra en ville.

Maintenant, quand les êtres humains coupent leurs liens avec la nature, ils deviennent plus malades tant sur le plan physique que sur le plan psychologique. Pourquoi? Des études scientifiques rigoureuses se sont penchées sur la question : elles ont démontré que l’habitat joue un rôle important dans la santé globale des êtres humains. Il y a plusieurs raisons qui expliquent ce phénomène. Les forêts sont de grands assainisseurs d’air et dépollueurs entre autres. Ainsi, leur présence autour de nous est fondamentale à notre qualité de vie.

Puis, on l’oublie parfois, mais la forêt est un endroit de ressourcement perpétuel. Elle représente le plus grand garde-manger et la plus importante pharmacie du monde. Elle nous fournit tout ce qu’il faut pour nous nourrir sainement, mais aussi pour nous soigner. Pendant des millénaires, l’être humain a évolué entouré seulement de nature.

On dit souvent que l’homme vient du singe, mais en fait, et c’est bien connu des biologistes, il vient plutôt de l’arbre. Quand on compare une molécule d’hémoglobine (présente dans le sang des vertébrés) et une molécule de chlorophylle (que l’on trouve dans les végétaux), on y observe le même noyau moléculaire. L’humain et les végétaux ont donc la même origine.

Parc national de la Gaspésie
Parc national de la Gaspésie Paul Dussault | © Sépaq
Parc national des Îles-de-Boucherville
Parc national des Îles-de-Boucherville Mikaël Rondeau | © Sépaq

Quels sont les bienfaits de la nature sur la santé des humains?

Ils sont nombreux. D’abord, il faut savoir que les arbres respirent puissamment, soit environ 1 000 fois plus que les poumons d’un être humain. En respirant, les arbres absorbent les polluants atmosphériques et purifient l’air. Ils en extraient du dioxyde de soufre, du dioxyde d’azote, de l’ozone et toute une panoplie de particules fines toxiques qui sont causées par l’activité humaine et qui flottent dans l’air que l’on respire. Lorsqu’il y a des arbres autour de nous, la qualité de l’air s’améliore donc grandement.

Mais il y a d’autres raisons derrière les bienfaits. Les arbres, par l’ombre qu’ils créent sur les surfaces asphaltées, contribuent à abaisser les températures et, ainsi, à tempérer le climat, un rôle important lors de canicules. Avec les changements climatiques qui nous bouleversent actuellement, la présence d’arbres dans certaines villes du monde est cruciale pour diminuer les chaleurs accablantes qui sont parfois mortelles pour les êtres humains. On peut ajouter que les arbres protègent aussi des brûlures dues à l’exposition au soleil, notamment des UV qui causent les cancers de peau.

Connecter à la nature est également une technique antistress naturelle et efficace, ce qu’ont prouvé de nombreuses études scientifiques. Passer du temps en nature nous ramène à un rythme qui est plus près de notre biologie. Une simple marche en forêt amoindrit les symptômes de dépression et les émotions négatives, baisse le taux de cortisol (l’hormone qui nous permet de mesurer le niveau de stress) et diminue la pression artérielle, par exemple. Les études suggèrent aussi que le contact avec la nature réduit la fatigue, donne de la vitalité et améliore la concentration.

Puis, les forêts ont une portée sociale, c’est-à-dire que l’effet apaisant de la nature se remarque à l’échelle d’une société. Une étude sociologique a même démontré que le taux de violence est plus bas en milieu vert qu’en ville.

Il existe une tonne d’études qui appuient tout cela, mais on le sent tous intuitivement. Les forêts sont des milieux qui nous calment et qui nous amènent un sentiment de bien-être physique et mental tout à fait évident. Quand on s’arrête une minute pour y réfléchir, cela a beaucoup de sens, car la forêt est l’habitat naturel de l’être humain.

Réserve faunique des Laurentides
Réserve faunique des Laurentides Kam Vachon | © Sépaq
Parc national de la Jacques-Cartier
Parc national de la Jacques-Cartier Kam Vachon | © Sépaq

Quelles sont l’intensité et la durée des activités à faire en nature pour profiter des meilleurs bienfaits?

Cela dépend bien sûr de l’objectif que l’on poursuit. Pour monsieur et madame Tout‑le‑Monde qui cherche à se maintenir en bonne santé, le fameux 10 000 pas par jour est un bon départ. Pour s’aider à l’atteindre, on peut utiliser une montre ou une application mobile qui calcule nos pas. Que ce soit en prévention des maladies cardiaques ou pour le traitement après une maladie comme le cancer, la marche, c’est absolument vital.

Parmi ces10 000 pas par jour, je recommande d’aller marcher en nature ou dans un espace vert de 30 à 60 minutes, 3 ou 4 fois par semaine. Cette recommandation doit être ajustée en fonction de la condition de santé de chaque personne, mais de façon générale, intégrer cette habitude de vie à son quotidien amène de réels bienfaits. Les gens actifs sont en meilleure forme physique, ont moins de problèmes de surpoids ou de pression artérielle, ont une meilleure santé mentale et vieillissent moins vite.

Bouger en milieu vert est plus profitable parce que c’est plus motivant, mais aussi parce que la qualité de l’air y est meilleure qu’en ville. Il y a tellement de beaux endroits ici, au Québec! L’avantage que nous avons par rapport à d’autres endroits dans le monde, c’est que chez nous, la nature est facilement accessible. Les parcs nationaux, par exemple, offrent une foule de sentiers de randonnée permettant d’accéder à de magnifiques paysages, ce qui peut être une source de motivation à l’entraînement.

Sinon, une marche au parc près de chez soi est une bonne idée. Pour retirer des bienfaits de la nature, il n’est pas nécessaire de se lancer dans l’ascension d’un sommet en haute altitude ou de s’imposer une expédition de survie en forêt. Une activité aussi simple que marcher dans un espace vert autour de chez soi sur l’heure du lunch fait le travail.

J’ajouterais que c’est important d’y aller en été comme en hiver, et de ne pas s’empêcher de sortir quand le temps est moins beau. Il faut intégrer cette habitude de vie à l’année et s’adapter aux conditions météo. S’il fait froid ou qu’il tombe quelques gouttelettes, la clé, c’est de s’habiller en conséquence. On dit qu’il n’y a pas de mauvaise météo, seulement de mauvais vêtements.

Parc national du Mont-Orford
Parc national du Mont-Orford Sébastien Larose | © Sépaq
Parc national du Mont-Orford
Parc national du Mont-Orford Sébastien Larose | © Sépaq

On entend de plus en plus parler des prescriptions nature. Qu’est-ce qu’une prescription nature et comment ça marche?

Une prescription nature, c’est une recommandation qu’un médecin fait à son patient de passer du temps en milieu vert sur une base régulière. Cette recommandation vient bien souvent à la suite d’un élément déclencheur, comme une crise cardiaque ou un épisode de maladie. En plus d’offrir le traitement médical approprié, le médecin suggère à son patient de profiter de cet élément déclencheur pour changer ses habitudes de vie.

L’activité physique dans un milieu naturel améliore la qualité de la récupération et est aussi bénéfique qu’un médicament puissant. C’est également un traitement préventif contre de nombreuses maladies, à commencer par les maladies cardiovasculaires. Dans le cas de symptômes dépressifs, le contact avec la nature peut produire des effets impressionnants. Évidemment, ce traitement est un peu comme un « médicament en vente libre », car on n’a pas besoin d’une prescription d’un médecin pour en bénéficier. Par contre, quand c’est un professionnel de la santé qui nous recommande d’intégrer cette habitude à notre quotidien, c’est encore plus convaincant.

La sédentarité et l’obésité sont deux facteurs de risque très importants et dans les deux cas, malheureusement, ils s’accroissent au Québec. Bouger chaque jour et se donner des rendez-vous en milieu vert chaque semaine mènent à des résultats concrets pour la santé globale. Ceux qui le font témoignent des bienfaits qu’ils ressentent, tant sur la forme physique que sur l’humeur. Il faut en faire l’expérience soi-même pour réaliser à quel point cette habitude amène un grand bien-être. Comme on dit, l’essayer, c’est l’adopter.

Karina Durand

À propos de Karina Durand

À part marcher seule en forêt, Karina aime lancer sa ligne à l’eau, griller des saucisses à hot-dog sur les braises d’un feu de camp, lire au bout d’un quai et se baigner dans un lac quand il pleut. Elle pilote la stratégie de contenu de la Sépaq depuis 2017.

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