Blogue de conservation

Les chauves-souris, 18 ans plus tard…

6 juin 2017


En 1998, un inventaire de chauves-souris a été réalisé au parc national du Mont-Orford. À l’été 2016, un second inventaire nous a révélé qu’elles étaient encore bien présentes sur le territoire, et ce malgré le déclin important de leurs populations en Amérique du Nord, causé par le syndrome du museau blanc.

Riche, mais vulnérable!

Il y a 18 ans, l’inventaire réalisé nous avait révélé que sur les 8 espèces de chauves-souris présentes au Québec, 7 d’entre elles fréquentaient le parc. Quelle richesse! Depuis lors, un évènement marquant a bousculé la vie de ces petits mammifères volants. L’arrivée inopportune en Amérique du Nord (2006) d’un champignon microscopique à l’origine du syndrome du museau blanc. Celui-ci est surtout reconnu pour avoir un effet néfaste sur les chauves-souris hibernantes. Étant donné la baisse drastique de certaines populations en Estrie, notamment la pipistrelle de l’Est, nous étions très intéressés de connaître l’impact de cette décroissance ici, à l’intérieur d’un territoire protégé.

mor-chauves-souris-texte-1Figure 1. Pipistrelle de l’Est en hibernation, MerlinTuttle.org

À l’écoute des chauves-souris!

Tout comme pour les oiseaux et les grenouilles, il est possible d’identifier presque toutes les chauves-souris à l’espèce par le son qu’elles émettent. Pour ce faire, il faut capter leurs ultrasons à l’aide d’appareils spécialisés et les transposer en sonagramme (Figure 4). Au cours de l’été 2016, 2 méthodes d’inventaire ont été utilisées afin de capter des ultrasons :

  • L’inventaire acoustique fixe. Des appareils automatiques de détection d’ultrasons sont installés dans des habitats propices à la présence de chauves-souris. Ils enregistrent en continu pendant une période prédéterminée.
  • L’inventaire acoustique mobile. Un observateur se déplace avec des appareils de détection d’ultrasons le long de trajets prédéterminés. Cette technique permet d’inventorier des zones non couvertes par les stations fixes.

mor-chauves-souris-texte-2Figure 2. Appareil automatique de détection d’ultrasons, Pierluc Marcoux-Viel (WSP)

Ces 2 méthodes ont permis de recenser avec certitude 6 espèces de chauves-souris :

  • La petite chauve-souris brune
  • La grande chauve-souris brune
  • La chauve-souris argentée
  • La chauve-souris cendrée
  • La chauve-souris rousse
  • La pipistrelle de l’Est

Lors de la réception des résultats, nous avons poussé un soupir de soulagement; les chauves-souris sont toujours présentes sur le territoire! Toutefois, l’étude a révélé qu’elles ne sont plus aussi abondantes qu’en 1998. Aussi, la chauve-souris nordique n’a pas été détectée. Cependant, comme c’est une espèce très difficile à identifier, il se pourrait qu’elle soit toujours présente.

Figure 3. Extrait sonore des cris d’une chauve-souris argentée, WSP

Représentation graphique de cris de chauve-souris argentée transposés sous forme de sonagramme. Les résultats montrent que la fréquence des ultrasons enregistrés pendant 21 secondes oscille entre 20 kHz et 40 kHz.Figure 4. Cris de chauve-souris argentée transposés sous forme de sonagramme, WSP

Des habitats propices aux maternités

Malgré les difficultés des populations, nous pouvons nous demander pourquoi le parc est encore l’hôte d’une belle diversité d’espèces de chauves-souris. Il semble que la réponse réside dans le fait que le territoire soit composé d’une association de forêts matures, de plan d’eau, de cours d’eau et de milieux humides. Pour élever leurs jeunes, les chauves-souris femelles se regroupent dans des maternités qu’elles établissent dans des arbres ou chicots (arbres morts) de gros diamètres pourvus de cavités. Elles utilisent aussi les greniers et autres interstices de bâtiments qui sont propices à l’accumulation de chaleur. Lors de la dernière sortie d’inventaire acoustique mobile à la fin juillet, qui correspond à la fin de la période de reproduction, il y a eu 3 à 4 fois plus d’enregistrements que lors des sorties précédentes. Ceci laisse penser qu’il y aurait des maternités dans le parc. Les chauves-souris se reproduiraient donc chez nous!

mor-chauves-souris-texte-4Figure 5. Habitat propice aux chauves-souris, Mathieu Dupuis

Que pouvons-nous faire?

Malheureusement, il y a peu de choses que nous puissions faire pour freiner la propagation du syndrome du museau blanc. Toutefois, nous pouvons jouer un rôle dans le succès de reproduction des chauves-souris qui résistent à l’envahisseur. L’importance des maternités est cruciale pour la survie des espèces. En conservant des arbres creux et des lieux de reproduction, nous pouvons contribuer au rehaussement des populations. Pour en savoir plus sur les chauves-souris et les gestes à poser, visitez http://chauve-souris.ca/.

mor-chauves-souris-texte-5Figure 6. Chauve-souris rousse avec ses petits, MerlinTuttle.org

Référence

WSP. 2017. Inventaire des chiroptères au Parc national du Mont-Orford. Rapport produit pour le Parc national du Mont-Orford. 10 p.


Claudia Lascelles est responsable du service de la conservation et de l’éducation au parc national du Mont-Orford. lascelles.claudia@sepaq.com

Photo de couverture: MerlinTuttle.org


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