La migration printanière des oiseaux de proie au belvédère Raoul-Roy
26 March 2013
Le belvédère Raoul-Roy, anciennement nommé «la butte à Gérard», est situé dans la portion ouest du parc national du Bic. C’est en 1981 que des ornithologues passionnés, Gérard Proulx et Guy Gendron, découvrent le potentiel exceptionnel de l’endroit pour l’observation des oiseaux de proie lors de leur migration printanière.
Le belvédère Raoul-Roy, un site exceptionnel
Au printemps, les oiseaux de proie du couloir migratoire atlantique arrivent du sud des Appalaches et migrent vers le nord. Ce faisant, ils rencontrent un obstacle de taille qu’ils n’ont pas le choix de contourner : le golfe du Saint-Laurent. Ils longent alors l’estuaire, jusqu’à un endroit propice et suffisamment étroit pour le traverser et atteindre leurs quartiers d’été dans le nord du Québec. Quelques espèces d’oiseaux de proie traversent l’estuaire maritime du Saint-Laurent sur une distance de 35 Km entre le parc national du Bic et la Pointe à Boisvert sur la Côte-Nord et ce, en passant par l’île du Bic. C’est principalement le Pygargue à tête blanche qui utilise ce raccourci. Un fait particulier distingue le corridor migratoire au sud de l’estuaire maritime du Saint-Laurent, il a trois sens migratoire. Les individus se déplacent à 80% vers le sud-ouest, à 19% vers le nord-est et moins de 1% en direction nord-ouest pour traverser l’estuaire.
Au parc national du Bic, au grand plaisir des observateurs, le passage des oiseaux de proie est concentré dans un corridor relativement étroit à proximité du belvédère Raoul-Roy perché à 145 mètres d’altitude et offrant aux observateurs une vue unique sur le paysage exceptionnel du parc et sur Saint-Laurent.
Ce phénomène s’explique par la présence quasi constante de courants d’air ascendants créé par la formation de masse d’air chaud le long des parois rocheuses, comme Les Murailles, favorisant le vol thermique. Les oiseaux de proie profitent de ces courants pour s’élever en altitude et ensuite se laisser glisser sur de longues distances jusqu’à un autre courant ascendant, diminuant alors leur dépense énergétique. Les vents de plus de 15 km/h provoquent l’ascension des masses d’air contre le relief permettant ainsi le vol éolien le long de la crête côtière. Alors, de la fin mars jusqu’au début juin, plusieurs milliers d’oiseaux de proie passent au-dessus ou à proximité du belvédère, ce qui en fait un lieu d’observation incontournable pour les ornithologues et les visiteurs. Le plus grand nombre d’oiseaux observés dans une journée est de 1268 individus.
En fonction des espèces, les meilleures périodes d’observation sont :
- Autour des palombes - 1er avril au 8 mai
- Pygargue à tête blanche - 1er avril au 20 mai
- Aigle royal 5 avril - au 20 mai
- Crécerelle d’Amérique - 15 avril au 10 mai
- Buse pattue - 15 avril au 20 mai
- Buse à queue rousse - 15 avril au 25 mai
- Épervier brun - 20 avril au 25 mai
- Balbuzard pêcheur - 1er mai au 5 mai
- Petite Buse - 1er mai au 20 mai
Inventaire systématique de la migration des oiseaux de proie lors de la migration printanière
C’est au printemps 2002 que l’inventaire systématique de la migration des oiseaux de proie voit officiellement le jour. À l’initiative du Club des ornithologues du Bas-Saint-Laurent (COBSL), en collaboration avec le parc national du Bic, et maintenant sous la supervision du Regroupement QuébecOiseaux, l’inventaire est effectué chaque printemps. Les principaux objectifs du programme sont :
- Évaluer avec plus de précision la quantité et la diversité des espèces migratrices
- Étudier les tendances de ces populations
- Acquérir des connaissances sur les espèces menacées
- Connaître les conditions favorables à la migration
- Déterminer si l’observatoire est assez important pour l’intégrer à la Stratégie nationale de surveillance des oiseaux terrestres du Canada.
Ce projet permet de situer le Bas-Saint-Laurent sur la carte des principaux lieux de migration en Amérique du Nord et à faire connaître chaque année, à des centaines de visiteurs, les espèces de rapaces et leur migration printanière.
En quoi consiste un tel inventaire ? Le protocole d'inventaire utilisé pour le Suivi printanier des oiseaux de proie au belvédère Raoul-Roy est semblable au protocole nord-américain standardisé par la Hawk Migration Association of North America (HMANA, 2001). La compilation des observations et des données est effectuée par une seule personne. Depuis les tout débuts, Denis Desjardins, spécialiste en ce domaine, est sur les lieux de la 3e semaine de mars jusqu’aux environs du 25 mai.
À moins de conditions climatiques particulièrement difficiles (visibilité très réduite par la pluie, la brume ou la neige), l’observateur assure une présence au belvédère tous les jours, pouvant s’étaler entre 8 h et 18 h. Son travail consiste à effectuer le dénombrement et l’identification systématique des oiseaux de proie migrateurs et à compiler diverses informations et ce, à chaque heure d’observation. Il note le nombre d’oiseaux par espèce en précisant, si possible, le stade de développement de l’individu (adulte ou immature), sa forme claire ou sombre et le lieu de vol (au-dessus de l’estuaire, de la crête rocheuse ou de la route 132). À ces détails, s’ajoutent les données météorologiques (vitesse et direction du vent, température, humidité, pression atmosphérique, pourcentage de couverture nuageuse, hauteur du plafond nuageux, visibilité), la direction du vol, la hauteur de la migration, le nombre d’observateurs ayant assisté au dénombrement ainsi que le nombre de minutes d’observation. Les espèces non identifiées sont rapportées avec la mention « sp », selon les différents groupes : urubu, épervier, buse, aigle, faucon ou rapace sp. Les autres espèces inusitées de passage dans la région sont également répertoriées et un feuillet des observations quotidiennes (ÉPOQ) est rempli pour toutes les espèces d’oiseaux.
À ce jour, le programme a permis d’identifier 19 espèces de rapaces en migration dont 16 sont rapportées régulièrement.
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2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
|
|
|
|
|
Aigle royal |
42 |
61 |
46 |
42 |
Autour des palombes |
33 |
50 |
32 |
51 |
Balbuzard pêcheur |
33 |
23 |
36 |
18 |
Busard Saint-Martin |
32 |
42 |
24 |
37 |
Buse de Swainson |
0 |
0 |
0 |
1 |
Chouette épervière |
0 |
0 |
0 |
1 |
Buse à épaulettes |
2 |
3 |
2 |
2 |
Buse à queue rousse |
2228 |
1997 |
2433 |
3128 |
Buse pattue |
311 |
126 |
100 |
138 |
Crécerelle d'Amérique |
34 |
30 |
58 |
52 |
Épervier brun |
867 |
630 |
815 |
751 |
Épervier de Cooper |
5 |
2 |
1 |
6 |
Faucon émerillon |
14 |
18 |
12 |
10 |
Faucon gerfaut |
1 |
0 |
1 |
1 |
Faucon pèlerin |
15 |
14 |
13 |
24 |
Petite Buse |
105 |
76 |
113 |
33 |
Pygargue à tête blanche |
106 |
163 |
122 |
152 |
Urubu à tête rouge |
37 |
68 |
104 |
52 |
Total général |
3865 |
3303 |
3912 |
4506 |
Nombre d'espèces |
16 |
15 |
16 |
18 |
Source: Regroupement QuébecOiseaux
Un rendez-vous à ne pas manquer !
Le belvédère Raoul-Roy est accessible par la Route de la mer, à partir de la route 132, à la hauteur du village de St-Fabien. La période de migration s’étend de la fin mars jusqu’au début juin.
Sur place, la présence régulière d’ornithologues passionnés est une occasion pour tous d’échanger et de partager des connaissances sur ces magnifiques maîtres du ciel.
Références :
Club des Ornithologues du Bas-St-Laurent, 2003. Inventaire systématique des oiseaux de proie – parc national du Bic –printemps 2002. 41 p.
Lang LD, Desjardins D, Fradette P et Guénette J-S. 2008. Suivi printanier des oiseaux de proies au Belvédère Raoul-Roy au Parc national du Bic (Saint-Fabien), 2002 à 2007. Regroupement QuébecOiseaux, Québec, 27 pages + annexes.
HMANA 2001 Kempton, PA: Hawk Migration Association of North America, 277 p.
Proulx, Gérard, Belvédère Raoul-Roy – Vue imprenable sur les oiseaux de proie, Revue QuébecOiseaux - printemps 2006, pages 22 et 23.
Marlène Dionne est responsable du service de la conservation et de l’éducation au parc national du Bic et Denis Desjardins est technicien de la faune pour le regroupement QuébecOiseaux
Photos : Denis Desjardins