Le ballet boréal d’Aiguebelle
22 May 2012
21 septembre 2011, camp rustique Le Patineur, parc national d’Aiguebelle. L’un des plus beaux spectacles offerts par Dame Nature se déploie dans le ciel étoilé : une majestueuse aurore boréale s’étire langoureusement sur un horizon infini. Tristement, de moins en moins de gens ont la chance d’assister à ce spectacle grandiose, à moins de se rendre dans un endroit comme le parc national d’Aiguebelle où même le ciel y est protégé.
La voleuse d’étoiles
Il y a à peine quelques dizaines d’années, les étoiles nous apparaissaient réellement plus nombreuses et plus brillantes. Elles sont toujours là, rayonnant de tous leurs feux. Ce qui a changé, c’est ce phénomène à la fois simple et pernicieux : une voûte lumineuse créée par les éclairages artificiels qui se forment juste au-dessus des agglomérations urbaines et qui pâlissent le ciel nocturne, bloquant ainsi la luminosité des objets célestes.
La pollution lumineuse est principalement causée par des éclairages mal dirigés, excessifs, inefficaces ou inutiles qui pointent vers le ciel. Cette lumière est alors dispersée par les couches de l’atmosphère, ce qui produit une lueur qui rend le ciel moins noir la nuit. Dans les grandes villes canadiennes, plus de 95 % des étoiles, auparavant visibles à l’œil nu, ne sont plus observables. Quel préjudice pour les astronomes amateurs!
La vie réclame la nuit
Outre cette privation d’observer les phénomènes nocturnes au-dessus de nos têtes, la pollution lumineuse a d’autres effets néfastes. La faune et la flore sont également touchées. L’éclairage de nuit peut embrouiller les déplacements des animaux comme les oiseaux migrateurs et les papillons de nuit, changer les relations entre les prédateurs et leurs proies, modifier la compétitivité à l’intérieur d’une même espèce, sans parler du changement dans les comportements associés à la photopériode. Dans les lacs, le zooplancton peut cesser de se nourrir d’algues si l’éclairage de nuit est trop prononcé. Il s’ensuit une prolifération excessive d’algues dont la décomposition éventuelle provoque une activité bactérienne accrue, laquelle finit par appauvrir en oxygène l’eau du lac. De nombreuses espèces d’invertébrés et de poissons meurent alors asphyxiées.
Un gaspillage sournois
En plus de nous dérober les étoiles, de compliquer la vie de la faune et de la flore et d’endommager nos écosystèmes, l’usage excessif, inutile ou inefficace d’éclairage représente un gaspillage d’énergie aussi coûteux tant pour le particulier que pour l’industrie. Au Québec seulement, on évalue à 45 millions de dollars le coût de l’électricité pour « éclairer le ciel ». Globalement, cet éclairage superflu peut générer un impact sur les changements climatiques lorsque produit à partir d’énergies fossiles.
Une lueur… d’espoir!
Consolons-nous, tout n’est pas si… noir. Une première mondiale se tenait au Québec en septembre 2007 : la création d’une réserve internationale de ciel étoilé au parc national du Mont-Mégantic, bien connu pour son ASTROLab. Trente-quatre municipalités ont adopté un ensemble de mesures pour freiner l’accroissement de la pollution lumineuse, contribuant ainsi à préserver la qualité du ciel étoilé essentielle à la pérennité des activités de recherche et d’éducation en astronomie qui s’effectuent à l’observatoire du Mont-Mégantic, le plus important centre de recherche en astronomie et en astrophysique au Canada.
Pour sa part, le parc national d’Aiguebelle s’est doté d’un plan d’aménagement et de conversion de l’éclairage visant à minimiser la pollution lumineuse sur son territoire et invite régulièrement l’association des astronomes amateurs de l’Abitibi-Témiscamingue à venir donner des séances d’informations lors d’événements spéciaux.
L’astuce d’Aiguebelle
Afin de fuir toute cette pollution lumineuse qui nous envahit, l’équipe du parc national d’Aiguebelle vous invite à vivre l’expérience d’une nuit au camp rustique Le Patineur où vous pourrez admirer les étoiles se multiplier à la tombée de la nuit et peut-être même avoir la chance d’assister à une aurore boréale, spectacle haut en couleur!
Monic Roy, rédactrice.
Marie-Claude Provost, responsable du service de la conservation et de l'éducation au parc national d'Aiguebelle, provost.marieclaude@sepaq.com.
Photos : Hugo Lacroix.