Blogue de conservation

Un repas trois services pour fouilleurs!

7 octobre 2014


La saison de fouilles 2014 au parc national de Miguasha s’est officiellement terminée le 26 août dernier. Avec l’automne vient maintenant le travail de préparation, d’identification, de mise en collection et d’étude des spécimens récoltés. Mais déjà, un fossile découvert cet été se distingue par son caractère exceptionnel…

Chronique des fouilles 2014

Chaque année, c’est plusieurs centaines de fossiles qui sont ajoutées aux collections du parc national de Miguasha. Ces fossiles proviennent soit des patrouilles, soit des projets de fouilles. Pour une deuxième année consécutive, c’est le lit 12 que nous avons ciblé dans nos fouilles systématiques estivales. Pendant 8 semaines, les 35 cm d’épaisseur du lit ont été passés au peigne fin, nous permettant de récolter un total de 233 spécimens. Parmi ceux-ci, on note une abondance de coprolithes, ou excréments fossilisés. À ceux-ci s’ajoutent de nombreux acanthodiens, ces poissons munis d’aiguillons à la base des nageoires, plusieurs spécimens appartenant à d’autres espèces de poissons et quelques restes de végétaux. Parmi ce vaste éventail, un spécimen vole littéralement la vedette!

Figure 1 Le lit 12, un fragment du fond d’un estuaire vieux de 380 millions d’années, entièrement nettoyé et prêt à être exploré à la truelle et au marteau.

Une poupée russe « alimentaire »

Ce spécimen fascinant est illustré ici. Il s’agit d’un spécimen complet et bien préservé de Cheirolepis canadensis, une espèce de poisson à nageoires rayonnées. En soi, cela représente déjà une trouvaille d’intérêt, cette espèce prédatrice étant relativement rare dans la formation fossilifère de Miguasha. Mais surtout, ce fossile est une superbe illustration de la dynamique écologique qui existait dans le paléoestuaire de Miguasha il y a 380 millions d’années. En effet, on retrouve, coincé dans la gueule du prédateur mesurant quelque 45 cm, un Homalacanthus concinnus, un poisson à épine. Visiblement, c’est en tentant d’avaler cette prise trop volumineuse que le Cheirolepis est mort par suffocation. Comble de surprise, à l’intérieur de cette proie ingérée se cachent…des Asmusia, ces minuscules crustacés très communs dans les dépôts sédimentaires du parc. Avec ce nouveau spécimen, c’est donc 3 niveaux d’une chaîne alimentaire qui sont préservés en un seul fossile! Un cas d’une rareté exceptionnelle puisque sur les quelque 12 000 fossiles que comptent les collections du parc national de Miguasha, un seul autre cas de ce type était connu jusqu’à maintenant.

Figure 2 Le fameux spécimen découvert cet été, montrant des portions du Cheirolepis (en bleu), de l’Homalacanthus (en rouge) et des Asmusia (en jaune).

Des prédateurs pris sur le fait!

Le seul autre « ménage à trois » alimentaire connu pour Miguasha, d’ailleurs lui aussi composé « d’Asmusia dans Homalacanthus dans Cheirolepis », avait été identifié dans nos collections en 2012 par Marion Chevrinais, une étudiante au doctorat en biologie à l’Université du Québec à Rimouski (UQAR). Les fossiles préservés avec leur contenu digestif sont de très précieux indicateurs des relations écologiques qui existaient entre les espèces il y a 380 millions d’années. Le site fossilifère de Miguasha se prête très bien à ce type d’étude et la reconstitution des relations proies-prédateurs fait ainsi l’objet de recherches en partenariat avec le paléontologue Richard Cloutier de l’UQAR. Gageons que ce fossile est d’ores et déjà promis à un bel avenir !


Olivier Matton est responsable du service de la conservation, de l’éducation et de la recherche au parc national de Miguasha. matton.olivier@sepaq.com

Photos: Johanne Kerr et Olivier Matton, parc national de Miguasha, Sépaq.


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