Blogue de conservation

UN PLONGEON VERS LE PASSÉ AU PARC NATIONAL DES MONTS-VALIN

9 juillet 2013


L’analyse de cernes de croissance de troncs d’arbres submergés dans le lac Martin-Valin permet de mieux connaître l’évolution du paysage forestier du parc depuis le début du 15e siècle.

Tout au long de leur vie, les arbres croissent en hauteur et en diamètre. Chaque année, ils forment un nouveau cerne de croissance facilement observable. Dans nos forêts, les saisons sont responsables de la formation de ces cernes. En hiver à cause des conditions climatiques, la croissance de l’arbre est interrompue. Au printemps, elle redémarre et c’est à ce moment que l’arbre commence à former un nouveau cerne de croissance par la production et l’accumulation de nouvelles cellules. La croissance des arbres est aussi influencée par différents facteurs : température, précipitations, quantité de lumière et épidémies d’insectes se nourrissant des feuilles et des aiguilles. Grâce à ces anneaux, on peut identifier avec précision les bonnes et les mauvaises périodes de croissance. Les cernes représentent en quelque sorte le journal intime de l’arbre de sa naissance jusqu’à sa mort.

L’analyse et la mesure des cernes de croissance, ou dendrochronologie, permet donc de remonter dans le temps et de mieux connaître les conditions de croissance qui ont prévalu pendant la vie de l’arbre. De larges cernes indiquent des conditions de croissance favorables alors que des cernes minces sont explicables par des conditions moins favorables (sécheresse, température froide, épidémies d’insectes).

Une approche innovatrice

Dans le cadre d’un projet de recherche visant à reconstituer la variabilité naturelle des paysages forestiers sur une longue période de temps, le professeur-chercheur de l’Université du Québec à Chicoutimi, Hubert Morin, utilise une approche originale, développée dans les lacs nordiques par Dominique Arseneault de l’UQAR. Elle repose en effet sur l’analyse d’arbres submergés et bien conservés dans les lacs de la zone boréale. Ces arbres agissent comme des archives pour entre autres, reconstituer la dynamique millénaire des épidémies de la tordeuse des bourgeons de l’épinette (TBE).

Ainsi, au printemps 2012, l’équipe des gardes-parc a entamé un repérage des lacs ayant des caractéristiques favorables au transfert d’une quantité importante d’arbres de la berge vers le lac et à leur conservation dans l’eau. C’est dans un premier temps sur les rives du lac Martin-Valin que telles conditions propices ont été identifiées.

Pendant l’été qui a suivi, des troncs submergés ont été recueillis par l’équipe du chercheur aidé par les gardes-parc Ariel et Denis et par Rémi, un journalier du parc particulièrement habile dans l’utilisation d’une scie mécanique. Il va s’en dire que c’était pour lui une première que de tronçonner des troncs d’arbres apportés par un plongeur !

Des résultats préliminaires surprenants

Après plusieurs semaines de séchage et quelques heures de préparation, les sections de troncs ont été finement poncées. Les cernes de croissance ont été mesurés ce qui a permis de tracer des courbes de croissance. En jumelant les courbes de croissance de plusieurs arbres, il est possible de développer des chronologies sur de très longues périodes.

Même si l’analyse des résultats de cette première phase d’échantillonnage n’est pas encore complétée, on sait déjà que certains arbres submergés dans le lac Martin-Valin permettent de repousser la reconstitution de l’histoire des épidémies de tordeuse des bourgeons de l’épinette jusqu’au début du 15e siècle !

Et ce n’est qu’un début. Cette première phase du projet a permis de valider la méthode et de vérifier le potentiel des lacs du parc. Déjà, d’autres travaux de repérage sur le terrain ont eu lieu pendant le printemps 2013. Les recherches se poursuivront au cours de l’été et on espère plonger encore plus loin dans l’histoire de la forêt boréale du parc national des Monts-Valin.


Claude Pelletier et biologiste et responsable du service de la conservation et de l’éducation au parc national des Monts-Valin. pelletier.claude@sepaq.com

Hubert Morin est professeur-chercheur à l'Université du Québec à Chicoutimi.

Photos: Patrick Nadeau; Claude Pelletier.


Soyez informé

Inscrivez-vous aux courriels de la Sépaq et soyez le premier à connaître nos nouveautés, nos offres et nos promotions spéciales.

S'inscrire