Blogue de conservation

La bioluminescence : quand la vie a besoin de la nuit

29 octobre 2013


C'est lors d'une randonnée nocturne que Guillaume Poulin (garde-parc naturaliste et animateur spécialisé en astronomie) remarque une étrange lueur non loin dans la forêt. En s'approchant, il constate qu'une souche émet une lumière verdâtre. Sa curiosité piquée, il prend plusieurs photos du phénomène. Après quelques recherches, il identifie ce qu'il a découvert : il s'agit d'un spectaculaire champignon bioluminescent.

La bioluminescence est le produit d'une réaction chimique entre des molécules (les luciférines) et une enzyme (la luciférase). Les photons libérés par cette réaction génèrent ainsi une lumière dite "froide", puisqu'elle n'émet pas de chaleur. Les lucioles sont les représentants les plus connus de ce type de réaction, mais on le retrouve aussi chez certaines espèces de champignons, d'insectes, de cyprinidés et chez plusieurs habitants de la mer. Les cycles biologiques de ces espèces (défense, dispersion, reproduction, etc.) sont  intimement liés à la noirceur.

L'éclairage naturel : le jour et la nuit

Ces espèces ayant besoin d'obscurité ne constituent cependant que la pointe de l'iceberg des besoins nocturnes de la nature. En effet, de nombreux autres phénomènes sont liés à la photopériode (durée de la luminosité naturelle). Pensons par exemple à l'augmentation spectaculaire d'activité de certaines espèces à l'aube ou au crépuscule : alors que les oiseaux y vont de tous leurs chants, que les rainettes et grenouilles s'époumonent et que les insectes crépitent, le jeu des proies/prédateurs bat son plein. Les chauves-souris virevoltent dans la pénombre; les fleurs s'ouvrent au matin, puis se replient au soir. Une multitude d'espèces dépendent donc de l'alternance entre le clair et l'obscur.

On nomme rythmes nychtéméraux les rythmes de la nature qui changent au gré des apports de lumière du jour et de la nuit. Les rythmes nychtéméraux sont intimement liés aux rythmes circadiens (rythmes biologiques basés sur une période de 24h, mais comprenant d'autres mécanismes que la lumière). Tout un champ de la biologie se préoccupe d'ailleurs du fonctionnement nocturne du vivant : la scotobiologie, ou la "biologie de la nuit".

L'éclairage artificiel : le jour sans la nuit

Les principales conséquences engendrées par la lumière artificielle concernent les phénomènes de phototaxie. La phototaxie peut être soit "positive" (attraction irrésistible vers la source de lumière), soit "négative" (répulsion). L'exemple le plus typique de phototaxie est la propension des papillons de nuit (comme le papillon lune, l'emblème du parc), à se regrouper autour des sources lumineuses et s'exposer aux prédateurs. D'importants phénomènes de désorientation sont aussi associés à la phototaxie, par exemple chez les oiseaux.

La répartition de la lumière artificielle sur le territoire crée ainsi une toute nouvelle géographie de la nuit, allant de zones pièges à des zones morcelées, jusqu'à des zones d'exclusions pures et simples (certains endroits suréclairés sont carrément des "déserts" pour certaines espèces).
La nature a évolué sur des millions d'années avec le cycle jour/nuit. Cette situation est aujourd'hui grandement perturbée par l'augmentation de la pollution lumineuse. Les parcs nationaux ont ainsi un rôle fondamental à jouer comme havres nocturnes.

Les études concernant les impacts des nuisances lumineuses sur l'environnement se sont multipliées dans les dernières années. Pour ceux désirant aller plus loin, on retrouve plusieurs de ces documents sur le site internet de la Réserve Internationale de Ciel Étoilé du Mont-Mégantic (http://ricemm.org/documentation/etudes-scientifiques/)


Camille-Antoine Ouimet est responsable de la conservation au parc national du Mont-Mégantic ouimet.camilleantoine@sepaq.com

Photos: Guillaume Poulin.


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