Blogue de conservation

Le béluga à la baie Sainte-Marguerite

26 novembre 2012


Lors de la tenue de l’activité postée « La Halte du Béluga » au parc national du Fjord-du-Saguenay, les naturalistes remplissent quotidiennement une fiche d’observation du béluga.  La compilation de ces fiches depuis les douze dernières années permet de faire ressortir certaines tendances quant à leurs habitudes.

La baie Sainte-Marguerite : une aire estivale privilégiée

Faisant partie du Parc marin du Saguenay-Saint-Laurent, la baie Sainte-Marguerite bénéficie d’une protection accrue : ses rives sont protégées par le parc national du Fjord-du-Saguenay. Un belvédère surplombant l’embouchure de la baie Sainte-Marguerite a été aménagé en 2000 afin d’y observer le mammifère emblématique. Pendant la saison estivale, un naturaliste y est présent à tous les après-midis pour informer et sensibiliser les visiteurs sur la biologie et la précarité de la population de béluga du Saint-Laurent.

La compilation des fiches d’observation du béluga à la baie Sainte-Marguerite confirme les allégations des chercheurs qui soutiennent que cet habitat est une aire importante de fréquentation estivale. La baleine blanche fréquente la baie en nombre important, de façon régulière et pendant plusieurs heures consécutives, lui conférant le statut d’aire privilégiée. Située à environ 25 km en amont de l’embouchure de la rivière Saguenay, la baie Sainte-Marguerite possède les conditions recherchées par le béluga, comme des fonds de dépôts meubles, des températures plus élevées, des eaux saumâtres, de faibles profondeurs.

Le suivi d’observation du béluga n’est pas scientifiquement rigoureux. Il est simplement basé sur les observations faites lors de la tenue des activités d’interprétation. Cependant, la fiche d’observation comprend plusieurs aspects forts pertinents. Mentionnons par exemple les conditions météorologiques, l’état de la marée, la localisation des bélugas selon une carte des sous-secteurs, le nombre d’individus (veaux, bleuvets, blanchons et adultes), leurs comportements et leurs activités.

De gros troupeaux observés quasi quotidiennement

Depuis les douze dernières années, les mois de juillet et d’août demeurent les plus importants au niveau des taux d’observation du béluga à la baie Sainte-Marguerite. La saison 2012 se termine couronnée de succès, la présence des bélugas dans la baie Sainte-Marguerite était presque quotidienne entre 13 h et 16 h. En effet, sur 51 jours de tenue d’activité « La halte du Béluga », seulement 12 jours sont marqués par l’absence des baleines blanches pour un taux de réussite de 76 % (Figure 1). Ce résultat surpasse la moyenne de réussite d’observation des onze dernières années qui est de 64 %. Notons que depuis 2001, les pourcentages d’observation du béluga pour les mois de juillet et d’août sont comparables à l’exception de l’année 2008. Le pourcentage d’observation du béluga a chuté abruptement au mois d’août, période de floraison importante de l'algue toxique Alexandrium tamarense, événement connu sous le nom de « marée rouge ».

Figure 1. Fréquence de jours d'observation du béluga de 2001 à 2012

Le belvédère La Halte du Béluga constitue le lieu tout désigné pour observer des troupeaux de bélugas composés de juvéniles et d’adultes. L’analyse des données démontre que 86 % des troupeaux observés comptent des adultes et des jeunes. La baie est fréquentée par tous les types de troupeaux, soit les troupeaux d’adultes et de jeunes, les troupeaux d’adultes et les troupeaux composés de mâles et femelles. La saison d’observation 2012 a été caractérisée majoritairement par des troupeaux de 16 à 30 individus (42 %) et des troupeaux de 6 à 15 individus (39 %). Ces données reflètent celles des dix années précédentes.

Selon le biologiste Robert Michaud, un groupe d’une cinquantaine d’individus, soit 5 % de la population totale du Saint-Laurent, fréquente assidûment les eaux du Saguenay. Certains rassemblements regroupent la quasi-totalité de ces cinquante individus. Au cours de l’été 2012, cinq après-midi du mois d’août ont été marqués par la présence de troupeaux constitués de 30 individus et plus. Le 13 septembre 2012, une soixantaine de têtes et de dos ont été observés.

Les activités du béluga à la baie

Les raisons de l’utilisation de la baie Sainte-Marguerite par le béluga demeurent inconnues. L’observation quotidienne de leurs comportements laisse toutefois présager plusieurs hypothèses soutenues par de nombreux chercheurs. Par les observations des comportements de surface du béluga à la baie Sainte-Marguerite, il est évident que les activités de socialisation et le repos sont des fonctions biologiques importantes de cet habitat. La baie Sainte-Marguerite est sans contredit un lieu d’utilisation très important pour la socialisation des jeunes. Les troupeaux observés, majoritairement composés de jeunes (bleuvets et juvéniles) accompagnés d’adultes sont en alimentation, au repos ou encore en mode de jeu.  

Plus de 36 % des observations de bélugas faites depuis 2001 supposent des comportements de recherche de nourriture et d’alimentation. L’arpentage est associé aux déplacements de va-et-vient du béluga dans la baie, laissant présager une recherche active de proies. Des plongées consécutives au même endroit, surnommé milling, sont associés à l’alimentation d’animaux benthiques. L’abondance des proies du béluga dans la baie Sainte-Marguerite a d’ailleurs fait l’objet de récente étude. Parcs Canada a en effet entamé en 2009 un suivi des proies dans deux des aires de fréquentation intensive du béluga situées dans le Parc marin du Saguenay–Saint-Laurent : l’embouchure de la rivière Saguenay et la baie Sainte-Marguerite. À la baie Sainte-Marguerite, le nombre de bélugas observés augmente avec la biomasse relative des proies en surface et en profondeur. À l’embouchure de la rivière Saguenay, les résultats n’ont pas été concluants. Ces résultats suggèrent que l’alimentation pourrait être l’une des fonctions biologiques de la baie Sainte-Marguerite. Les bélugas sont reconnus comme étant opportunistes dans leur alimentation et leur diète varierait de façon spatiale et temporelle selon la disponibilité des proies.

La mise bas est une autre hypothèse soutenue par les chercheurs quant à la présence du béluga dans la baie Sainte-Marguerite. Cette hypothèse ne peut être confirmée ou infirmée par les naturalistes puisque ces rares événements se déroulent en dessous de la surface et que l’attention des naturalistes n’est pas entièrement portée sur les baleines blanches.

Conclusion

Le béluga, dont l’aire de répartition couvre une bonne partie de l’estuaire du Saint-Laurent, se regroupe à la baie Sainte-Marguerite à l’été pour s’alimenter, socialiser et élever ses baleineaux. Le Parc marin du Saguenay–Saint-Laurent joue toutefois de prudence et travaille à hausser le niveau de protection de la baie Sainte-Marguerite et lui donner un statut de protection intégrale. À l’exception de kayakistes en transit, aucune activité ne sera permise dans la zone définie. Le parc national du Fjord-du-Saguenay poursuivra sa collaboration à la prise de donnée de même qu’à la sensibilisation des visiteurs.


Nancy Lavoie, garde-parc technicienne en milieu naturel au parc national du Fjord-du-Saguenay, lavoie.nancy@sepaq.com.

Photos : Mathieu Dupuis, Catherine Dubé et Marc Loiselle.


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