Blogue de conservation

Plantes rares au parc national du Mont-Tremblant : concilier préservation et accessibilité

21 February 2012


L’épervière de Robinson, le scirpe de Clinton et l’utriculaire résupinée sont des plantes susceptibles d’être désignés menacés ou vulnérables au Québec. Un échantillonnage fait en 2011 au parc national du Mont-Tremblant a permis d’augmenter le nombre de plantes connues de chacune de ces espèces dans le parc.

Des raretés connues depuis longtemps

Le décompte d’épervières de Robinson (Hieracium robinsonii) est passé de plus de 600 à près de 1200 individus. Le scirpe de Clinton (Trichophorum clintonii) est passé de 20 sites connus à 33. L’utriculaire résupinée (Utricularia resupinata) a été identifiée sur deux nouveaux lacs et des colonies supplémentaires ont été retrouvées sur certains lacs où sa présence était déjà connue. Au Québec et au parc national du Mont-Tremblant, ces trois espèces font l’objet d’une attention bien particulière puisqu'elles sont peu abondantes et limitées à des habitats spécifiques. Elles figurent sur la liste provinciale des espèces susceptibles d’être désignées menacées ou vulnérables. Au parc national du Mont-Tremblant, leurs premières observations remontent aux premiers inventaires effectués dans les années 1950 et 1960, alors que la station de biologie du Mont-Tremblant était au lac Monroe. M. Albert Courtemanche, biologiste bien connu au parc, a publié en 1959 un inventaire qui constitue encore une référence importante lorsqu’il est question de botanique.

En 2000, M. Frédéric Coursol, à titre de consultant, a inventorié plusieurs des sites visités à l’époque par M. Courtemanche et le frère Rolland-Germain. Certaines espèces n’ont pas été retrouvées et d’autres ont été ajoutées. De nouvelles occurrences ont également été consignées. Lors de cet inventaire, l’utriculaire pourpre (Utricularia purpurea), une plante aquatique, figurait sur la liste des espèces susceptibles d’être désignées menacées ou vulnérables du Québec. Les travaux de M. Coursol ont permis de recenser 38 populations différentes de cette espèce au parc. Son statut provincial d’espèce susceptible d’être désignée menacée ou vulnérable a été retiré en 2002 à la suite de ces découvertes au parc et ailleurs en province (communication personnelle, Frédéric Coursol, 2011).

L’épervière de Robinson

En 2000, M. Coursol a inventorié 174 plants d’épervière de Robinson aux chutes Croche à quelques mètres en aval et en amont du pont. Il a déterminé que le piétinement des visiteurs constitue un problème pour la survie de ces colonies. Des mesures de protection visant l’encadrement des visiteurs ont donc été implantées au cours des années suivantes. Un peu plus particulière que les autres plantes, l’épervière de Robinson bénéficie d’une place de choix dans le  programme de suivi de l’intégrité écologique (PSIE) du parc. Un suivi annuel de l’état des colonies retrouvées sur le site des chutes Croche figure parmi les 26 indicateurs suivis au parc. Depuis 2006, les colonies suivies ont augmenté leur population globale de près de 15 % pour atteindre 642 tiges. Il s’agit d’une bonne nouvelle, compte tenu des efforts fournis pour assurer la préservation de cette espèce.

Autre fait positif, en considérant que les travaux d’inventaire de M. Coursol ont permis d’aider la cause de l’utriculaire pourpre au Québec, nous avons intensifié nos efforts pour trouver de nouvelles populations de plantes à statut particulier. Quatre nouvelles stations d’épervière de Robinson ont été découvertes sur la rivière du Diable. En tout, près de 500 nouvelles tiges ont été répertoriées. Étant donné que les nouvelles colonies se retrouvent sur des sites non accessibles aux visiteurs, elles sont à l’abri du piétinement.

Le scirpe de Clinton

L’habitat du scirpe de Clinton est semblable à celui de l’épervière de Robinson. Au parc, ces plantes se développent dans les anfractuosités du rivage près des chutes et des rapides, ainsi que sur des sols rocheux de gneiss ou de granit. Jusqu’à récemment, elles n’étaient recensées qu’à deux endroits au parc, soit dans les environs de la chute du Diable et des chutes Croches. Les populations de scirpe de Clinton connues au parc ont augmenté de plus de 50 % entre 2000 et 2011. Elles sont passées de 20 à 33 touffes, ce qui est probablement un autre résultat positif de la mesure de protection visant l’encadrement des visiteurs aux chutes Croches. En 2011, grâce à nos efforts d’inventaire, de nouvelles colonies ont été relevées.

L’utriculaire résupinée

Une autre plante qui s’est démarquée au cours de la saison 2011 est l’utriculaire résupinée. Rares sont les botanistes ayant eu la chance de contempler cette superbe plante aquatique. Quatre colonies étaient connues au parc jusqu’à l’été dernier (lac Casse-Ligne, lac Escalier, Petit lac Caché, lac des Femmes). Nos travaux ont permis de recenser sa présence sur deux nouveaux lacs (Monroe, petit Monroe) et de trouver de nouvelles colonies au lac Escalier et au Petit lac Caché. Ces colonies ont été trouvées sur des lits sablonneux avec des dépôts de matières organiques, lorsque le niveau d’eau des lacs était bas. Fait intéressant, les lacs Monroe, Petit-Monroe et Escalier sont très fréquentés par les visiteurs du parc depuis des dizaines d’années; toutefois, on trouve certaines des nouvelles colonies à proximité des plages. Des mesures de protection seront évaluées au cours de la prochaine saison.

Conclusion

Les résultats de nos travaux de la saison 2011 sont particulièrement emballants. Dans le domaine des plantes susceptibles d’être désignées menacées ou vulnérables, peu d’efforts d’inventaires ont été faits au Québec. L’état des populations de plusieurs de ces espèces est peu connu, et ce, même sur des territoires dotés d’une équipe de conservation telle que la nôtre. Le principe de précaution exige que des mesures de protection soient adoptées pour protéger les espèces rares pour lesquelles nous avons peu de connaissances. Lorsqu’elles se retrouvent dans des sites très fréquentés, elles présentent un défi de gestion considérable afin de concilier « conservation » et « accessibilité ». C’est ainsi que se traduit, au quotidien, une partie de nos efforts visant à préserver, pour les générations actuelles et futures, un échantillon représentatif des Laurentides méridionales… et à préserver le milieu naturel du parc national du Mont-Tremblant.

Remerciements

Il est important de remercier ceux et celles qui ont contribué aux dossiers des espèces végétales propres au parc, de M. Albert Courtemanche à M. Jacques Tremblay, notre technicien du milieu naturel chevronné, en passant par nos collègues des services collectifs qui installent les clôtures dans le but de gérer la clientèle à proximité des sites prisés.


Sylvie Gobeil, garde-parc naturaliste au parc national du Mont-Tremblant.

Hugues Tennier, responsable du service de la conservation et de l’éducation au parc national du Mont-Tremblant, tennier.hugues@sepaq.com.

Photos : Frédéric Coursol, Jacques Tremblay.


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