Blogue de conservation

Histoire d’un lac-à-l’épaule

21 janvier 2014


L’expression « tenir un lac-à-l’épaule », passa à la postérité pour désigner une rencontre importante tenue à l’écart, souvent dans un endroit naturel et vivifiant, au cours de laquelle les participants se réunissent pour définir de grandes orientations, s’entendre sur des actions à entreprendre, faire le point ou se ressourcer. Peu de gens savent que cette expression prend son origine dans le parc national de la Jacques-Cartier. C'est suite à des rencontres d'importance tenues au pavillon du lac à l'Épaule par des ministres que le lac y donna son nom.

Construction du premier chalet

Construit en 1922 à l’extrémité sud du lac à l’Épaule, près de sa décharge, le Camp du lac à l’Épaule est le deuxième établissement construit par le gouvernement du Québec dans le Parc des Laurentides (1895-1981), soit deux ans seulement après la construction en 1920 du premier bâtiment du Camp Mercier. L’année suivante, en 1923, les premiers chalets du Camp Devlin sont construits sur le bord du même lac, mais dans le milieu de sa longueur sur sa rive est.

Haut lieu de décision

Deux dates importantes sont à retenir concernant l’histoire du pavillon du lac à l’Épaule, aujourd’hui accessible aux pêcheurs dans le parc national de la Jacques-Cartier.

1943 Visite de Churchill et Roosevelt

Les chefs des forces alliées contre l’Allemagne pendant la Deuxième Guerre mondiale ont tenu deux conférences à Québec, à la Citadelle de Québec et au Château Frontenac, la première au mois d’août 1943 et la seconde en septembre 1944. Lors de la première conférence militaire qui eut lieu du 17 au 24 août 1943, les délégations furent dirigées par Sir Winston Leonard Spencer Churchill, Franklin Delano Roosevelt et William Lyon Mackenzie King. Les alliés décidèrent d'intensifier les bombardements sur l'Allemagne et de poursuivre l'accumulation de forces américaines et britanniques afin de libérer la France.

Désirant profiter d’une journée pour relaxer, le président des États-Unis d’Amérique, Roosevelt, et le premier ministre de la Grande-Bretagne, Churchill, ce dernier étant accompagné de son épouse, ont effectué un séjour de pêche, au pavillon du lac à l’Épaule. À la conférence de presse du 25 août 1943, Roosevelt déclarait : « Je garderai longtemps le souvenir de la truite québécoise ; on ne peut trouver un site plus beau pour une réunion ». L’excursion de Churchill et Roosevelt, accompagnés de leurs suites, fut un grand coup de publicité pour le Parc des Laurentides.

C’est donc à partir de ce moment-là, suite à cette visite quelque peu improvisée de hauts dignitaires, qu’on commença à appeler le camp du lac à l’Épaule le « Camp des Ministres », le Gouvernement du Québec réservant de plus en plus souvent cet établissement pour recevoir ses invités de marque.

1962 Nationalisation de l’électricité au Québec

« Si la région d’Ottawa a son lac Meech, celle de Québec a son lac à l’Épaule ». (Office québécoise de la langue française)
Les deux lacs auront été immortalisés pour avoir été le théâtre de rencontres politiques secrètes, du moins discrètes. Si le toponyme Lac Meech rime (ou ne rime pas) avec accord constitutionnel, celui de Lac à l’Épaule rappelle quant à lui une décision marquante de l’histoire politique québécoise : la nationalisation de l’électricité.

C’est en effet en septembre 1962, dans cet endroit montagneux, situé aujourd’hui dans le parc national de la Jacques-Cartier, que le premier ministre Jean Lesage réunissait secrètement son cabinet pour décider s’il allait déclencher des élections sur le thème « Confier à Hydro-Québec le mandat d'unifier et d'intégrer les ressources hydroélectriques québécoises ». René Lévesque, ministre des Travaux publics et ministre des Ressources hydrauliques dans le cabinet libéral de Jean Lesage, propose l’achat de sept entreprises hydro-électriques produisant 68 % de l’électricité du Québec. Cette réunion, où a été décidée, entre autres, la nationalisation de l'électricité, est considérée comme un des temps forts de la Révolution tranquille.

Commission de la toponymie du Québec :
http://www.toponymie.gouv.qc.ca/ct/ToposWeb/fiche.aspx?no_seq=21029


Jean-Emmanuel Arsenault est responsable du service de la conservation et de l'éducation au parc national de la Jacques-Cartier. arsenault.jeanemmanuel@sepaq.com 

Louis Lefebvre est un spécialiste de la récréation de plein air qui a travaillé pendant près de 40 ans pour le développement des activités et des services dans les parcs nationaux du Québec. Il a été le premier gérant des opérations dans la vallée de la rivière Jacques-Cartier en 1975, six ans avant la création du parc national de la Jacques-Cartier. Aujourd’hui retraité du ministère du Développement durable, de l’Environnement, de la Faune et des Parcs, il est un passionné de l’histoire d’utilisation du massif des Laurentides.

Photos : Sépaq; Jean Vaudreuil; Archives UQAC; anonyme.


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